Aller au delà du cercle polaire, aller sur la banquise, aller toujours plus au nord… Voilà un but constant depuis notre immigration au Canada! Nous avions dû rebrousser chemin cet été pour la rentrée scolaire mais le projet n’était pas tombé à l’eau. Cela serait mal nous connaître. Nous sommes des personnes pleines de détermination et les obstacles semblent nous stimuler plutôt que nous décourager… C’est ainsi que le 30 mars, nous sommes repartis sur la route du Nord. Nous espérions retrouver le confort de notre bus mais pour une raison d’assurance, nous n’avons pas eu ce loisir! Là , nous étions à 2 doigts d’abandonner notre virée. Le fait de ne pas avoir un couchage garanti sur des routes où l’on peut se trouver bloqués à tout moment compliquait considérablement notre logistique… Eh oui, il existe seulement 4 villages ou hameaux sur un trajet de plus de 1200kms!!! Sans compter que la température peut descendre à -40 et moins!!! Mais le désir de voir une horde de caribous, de rouler sur la route de glace, de marcher sur la mer de Beaufort fut plus fort que tout!!! Nous avons donc pris notre courage à 2 mains et nous sommes partis avec notre petite voiture et ses pneus 4 saisons. Nous avons décidé d’être confiants et l’univers a répondu à notre souhait! Nous avions pris notre vieille tente rafistolée, de bons duvets pour -40° , un peu de bois et suffisamment de nourriture… Nous étions chargés mais heureux de réaliser ce rêve, heureux d’être en vacances, heureux de repartir sur la route!!! Il n’y a pas de doute, le voyage, le nomadisme m’exalte. Les enfants aussi étaient heureux. Ils ont eu le choix de rester chez des amis mais notre enthousiasme a été communicatif. Cela est un autre bonheur de le partager encore tous ensemble. Ce qui est pris est pris!!! Nous sommes donc allés chercher l’hiver là où il se trouvait. Nous avons sentis les vents froids du nord nous claquer au visage, nous saisir les orteils et les mains malgré notre meilleur équipement… et nous avons joui de sa blancheur!!! Toute une aventure… C’était vraiment à la hauteur de nos espérances.

Tous un peu fatigués après un rush final et des contrats à boucler, nous sommes partis avec le soleil. Nous avons parcouru 600 kms en terminant par une route boueuse et glissante mais nous avons atteint un abri avec un poêle au milieu de magnifiques montagnes enneigées. Cette première journée était comme une victoire! Un grand lapin nous a accueilli et des sons d’animaux impossible à identifier nous ont intrigués! Nous avons savouré le petit salé que j’avais préparé à l’aube dans notre cabane. Et, nous nous sommes enfouis dans nos duvets pour la nuit. Thibault faisait le pitre, il était le seul à ne pas vouloir dormir!!! Emma et moi étions aux aguets des moindres bruits et Sylvain était parti dans les bras de Morphée. Nous n’avons eu ni chaud, ni froid: c’était correct!!!. Nous économisions notre bois au cas où des jours plus difficiles nous attendaient.

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Au matin, le soleil nous saluait. Le ciel était d’un bleu pur et puissant. Nous recevions cela avec un grand plaisir. La route était magnifique. Montagnes aux sommets pointus ou en forme de dômes, nous étions émerveillés par tout ce blanc immaculé, par l’immensité… Nous traversions la toundra alpine et nous rencontrions les lagopèdes. Nous passions des montagnes aux forêts de conifères en traversant des plateaux désertiques. Progressivement, le ciel perdait de son éclat et le blanc nous enveloppait de son voile mystérieux. Nous avons quand même réussi à surprendre un groupe d’une vingtaine de caribous… C’était notre cadeau du jour et nous étions gratifiants d’avoir été là au bon moment…

Et puis, nous avons essayé de faire le plein à Eagle Plains mais il n’y avait personne pour accéder à la pompe. Nous avons donc pris notre mal en patience dans l’unique bâtisse du lieu dit. Nous nous sommes offerts un bon café et chocolats chauds et nous avons écouté les rumeurs. Elles allaient bon train. Il y avait de plus en plus de monde dans le café-restaurant. Les chauffeurs de camions erraient… et là, nous avons découvert la réalité du grand nord. Nous ne sommes pas en été et les conditions météo se détériorent vite. La route était impratiquable qu’ils disaient!!! Des congères de plus d’un mètre s’étaient formées sur la route. Un blizzard à 110 kms/heure faisait rage. La visibilité était nulle… Alors voilà, il était 15h et nous ne pouvions aller plus loin aujourd’hui. Vu la difficulté que nous avions eu à traverser le parking avec le vent de face, inutile d’envisager de planter notre tente où que ce soit. Dernière option: l’hôtel comme tout le monde!!! Tous dans la même galère, wait and see!!!

Nous en avons profité pour nous reposer. Le lendemain, nous étions plein d’espoir mais au plus les heures tournaient, au moins nous y croyions!!! Nous nous sommes socialisés. Tout le monde échangeait le bulletin météo et éventuellement des nouvelles venant des travailleurs sur les routes… seuls les patrons de l’hôtel restaurant étaient indifférents. Ils avaient beaucoup de travail et n’avaient pas le temps ou l’envie d’être compatissants. Ils n’ont pas choisi de vivre dans un lieu pommé pour être à l’écoute des petits malheurs humains… Alors nous avons joué, ri avec les autres et relativisé; wait and see!!! Telle fut notre devise.

Nous avions peu de prise face à ce que nous vivions. Notre budget en prenait un coup mais atteindre la banquise par voie routière reste quand même exceptionnel! C’est une belle opportunité. Le bulletin sur la condition des routes n’était pas engageant mais pourtant la dynamique était différente de la veille. Tout le monde préparait ses bagages et rendaient les clefs des chambres. Tous y croyaient alors nous avons eu envie de suivre cet élan positif. Nous avons aussi empaqueté nos affaires. Une responsable des routes est passée annoncer la bonne nouvelle : la route ouvrirait à 14h… C’était l’euphorie, les sourires retrouvés et un surcroît de consommations au restaurant avant le GRAND départ… Des pick up étaient placés derrière la barrière pour partir avant les camions, tout cela moteurs allumés pour avoir du chauffage. Et pourtant, malgré tous ces signes et l’annonce officielle, nous étions toujours au restaurant à 17h. Ca commençait à sentir le roussi… Alors, à tour de rôle, nous nous sommes lancés des « wait and see »… Impuissance totale!!! Les habitués restaient confiants car les travailleurs des routes n’étaient pas encore revenus et cela signifiait qu’ils se donnaient à fond pour que la route soit praticable quelques heures en fin de journée… Et, c’est effectivement ce qu’ils faisaient. Mille merci à eux pour leurs loyaux services!!! A 18h, la bâtisse s’est vidée en un clin d’oeil et nous sommes tous partis… Nous avions un peu d’inquiétude car tout le monde était mieux équipé que nous… et puis c’était l’inconnu des conditions routières. Le fait est que nous n’étions pas seuls et nous pouvions compter sur la solidarité! En pratique, nous avons été agréablement surpris. Et les paysages étaient époustoufflants. Ca y est, nous étions dans le GRAND NORD!!!! WOW!!!!

En partant aussi tard, nous sommes arrivés tard à Inuvik, 400 kms plus loin. Il faisait trop noir pour trouver un endroit où dormir et nous avons passé la nuit dans notre voiture… No comment!!! Heureusement une aurore boréale a dansé au dessus de nous…

Le 3 avril, une horde de 3000 rennes passent devant nous! Quel spectacle!!! C’est en partie pour eux que nous avons fait le déplacement et malgré les contre temps, nous y sommes!!! Contemplation, écoute, ressentis… Bonheur!

Nous avons découvert la route de glace. Au début, c’était un peu stressant. On se demandait comment la voiture roulerait sur la glace???? Et puis, la première fois, la visibilité était nulle. Nous ne savions même pas où nous placer… Nous ne voyions pas les reliefs et les bordures… Nous étions quelque part sur le lit de la rivière mais était-ce le bon endroit??? Avec un soleil rayonnant, nous avons pris confiance et c’est devenu super!!!  J’ai été tentée à faire des dérapages mais Sylvain me trouvait un peu trop entreprenante. Nous avions besoin de conserver notre véhicule intact alors nous avons joué prudemment avec de petites sensations excitantes. D’une journée sur l’autre, la voiture ne répondait pas pareil avec la glace. Le vent nous déportait de gauche à droite: incroyable!!! C’est fou comment les pneus peuvent adhérer à la surface. A l’opposé, quand nous sortons de la voiture, nous glissons comme sur une patinoire… C’en est une et de taille. Elle est géante, elle fait environ 200 kms!!!  Et puis, nous prenons le temps de nous arrêter et d’observer l’épaisseur de glace. C’en est vertigineux parfois tellement c’est transparent… C’est tout simplement beau! C’est une belle aire de jeux mais parfois un peu trop exposée au vent… C’est difficile d’imaginer que l’été, ce sont les bateaux qui passent à cet endroit!

Totkuyaktuk, le bout du bout!!! Nous découvrons une petite communauté arctique! Thibault a quand même du mal à comprendre ce qui nous attire tant. Pourquoi aurions-nous aimé nous installer un temps dans un endroit pareil??? Il parle du vent glacial et du fait que cela donne plus envie de rester en dedans. C’est si petit qu’il n’y a rien à faire… Je crois que nos ados sont effectivement trop grands pour vivre cela!

Des peaux sèchent devant l’entrée dune maison. Des gens vont faire leurs courses en skidoo, d’autres font une sortie avec le chien… et une certaine paix demeure ici. Il n’y a pas d’endroit pour aller boire un café et socialiser. Il reste l’épicerie pour avoir une petite idée de ce que mange le monde et combien cela coûte à cette latitude. C’est le seul lieu où nous rencontrerons les locaux! Nous nous sentons les bienvenus. Il n’y a pas d’éxubérance mais pas de froideur non plus! Nos chemins se croisent simplement à cet instant où chacun reçoit une image de l’autre… Nous sommes de passage!

Nous avons aussi été bloqués à Inuvik à cause des conditions météo. Nous avons pu nous promener de long en large dans cette communauté. Nous avons croisé bien du monde. C’est en fait un mélange de plusieurs communautés. Il fut un temps où les amérindiens et inuits étaient les seuls. Aujourd’hui, ils représentent un peu moins de 50%! Je ne sais pas s’ils l’acceptent mais avec nous, les touristes, ils sont accueillants. Ils sont souriants  quand nous les croisons dans les rues. Tous les chauffeurs de taxi sont soudanais. Il y a eu un premier et il a fait venir sa famille et amis. L’épicerie et le restaurant sont tenus par un chef cuisinier tunisien qui apâte un ami après l’autre pour gagner une coquette somme. Il y a aussi une grande communauté de phillipins puis des anglophones et francophones canadiens. Bref, c’est coloré et vivant! Beaucoup viennent pour l’argent et l’expérience du nord et …repartent un jour.

Le retour nous a permis de jouir à nouveau de tous ces beaux paysages. Et puis, nous avons retrouvé notre cabane avec la réflexion que nous vivions dans « le sud »!!! Il n’y avait plus de neige. Les camper (camping car) circulent, les cyclistes et coureurs sont plus nombreux et les cygnes chantent et volent à nos côtés.

Des chiffres: 3445 kms. 500 kms de routes de glace. 50 heures d’attente à Eagle Plains pour ouvrir la route. 36 heures pour repartir d’Inuvik. Blizzard à 110 km/h. -42°C ressentis. 6 villages dont 3< 10 habitants… On parle de nuit à 23h seulement?? Belle virée!!